Résumé :
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Une jeune orpheline retrace un versant de sa préadolescence. Le souvenir dévoile l'ambivalence des séjours passés dans une demeure qu'elle nomme le manoir avec son oncle et tuteur, le frère jumeau de sa mère morte en couches. Cette grande maison vétuste est le dernier vestige d'un patrimoine familial qui fut considérable, celui de riches industriels du textile administrant jadis, en vrais aristocrates, leurs vastes domaines dans le nord de la France. Lieu de solitude hanté par des spectres, le manoir est aussi le théâtre d'une relation fusionnelle et d'un féroce déchirement incestueux qui se soldera par l'arrivée de la nouvelle compagne de l'oncle, à peine plus âgée que la narratrice. Rongée par une jalousie insurmontable, une attente impossible vis-à-vis de l'homme-mère, ce monstre à deux têtes, elle se voit alors contrainte d'emménager seule dans un studio situé « en banlieue des banlieues ». L'exil est radical. Mais dans son déclassement, elle sera désormais accompagnée d'une effervescence quotidienne d'enfants, de mères, d'hommes venus d'ailleurs retranchés aux confins de la métropole et habitant une langue faite de métissages. De sa rencontre avec une voisine de palier, une femme de l'Est devenue agoraphobe suite à un viol, naît, au cœur de la blessure, une sororité réparatrice. L'amour du langage exalte et transfigure les deux reléguées, ainsi réunies en une puissante symphonie pastorale urbaine. Ce nouveau roman de Chantal Chawaf désarçonne par son acuité poétique et saisit, sous une plume magistrale, la vie du langage à l'épreuve de la frontière.
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